Nexon Festival - "La route du Sirque" - 14 au 24 août 2019

Changement d'ère

Nexon et le cirque, c’est toute une histoire. Cette commune de 2500 habitant située en Haute Vienne à 20km au sud de Limoges, s’est investie dans le développement des arts du cirque dès 1987 avec la création de stages internationaux dans le parc du château sous la direction d’Annie Fratellini et de Pierre Etaix. En 1992 Marc Délhiat et Guiloui Karl, associés au projet cirque de Nexon, créent la manifestation « Les arts à la rencontre du cirque », aujourd’hui devenue « La route du Cirque » sous le direction de Martin Palisse. Alors chaque été on se retrouve dans le parc du château, bel espace qui accueille les chapiteaux.

À chaque direction son style et Martin Palisse mise sur le convivial et un public familial rompant avec une histoire circassienne faisant la part belle aux artistes, à leur découverte et  à l'inventivité même si cela devait passer par des formes circassiennes plus déroutantes.  Cette année 8 journées de cirque à vivre entre le 14 et 24 août avec au programme 8 propositions circassiennes sous chapiteau ou en plein air programmées chacune plusieurs fois dans la logique des séries, et surtout des EXTRAS, concerts, ateliers prises de paroles, entraînement circassien pour ceux qui veulent s'y essayer et diverses activités de loisir proposées sur la pelouse ... de quoi donner à ce festival un air de fête populaire. Le changement est radical et se voit dans le public : la cible famille est atteinte dans la journée et le soir le bar L'étoile rouge est le refuge nocturne de la jeunesse en mal de fête et de rencontres. Les spectacles sont bon enfants, agréables sans être époustouflant mais susceptibles de plaire au plus grand nombre. C'est un choix qui mérite réflexion. 



Avec Futuro Antico Martin Palisse (directeur mais aussi artiste de cirque) souhaite nous plonger dans un espace temps où le jongleur traversé par l'histoire du jonglage, la retraverse devant nous en créant un monde à la fois mythique, technologique, agité et froid. Dans un décor soigné, un promontoire lumineux, un ballon suspendu au dessus, les instruments électroniques de l'orchestre en retrait, le jongleur, dénudé comme on imagine l'homme primitif, cherche le contact avec le ballon, dans un jeu simple, se perdant dans ses choix entre le ballon et son ombre. Une certaine poésie s'installe dans ce jeu et s'impose lorsque l'artiste s'empare d'un bâton. Cette branche d'arbre nous rappelle les sourciers et des projections accentuent ces références à la nature. Les éléments sont présents -l'air, le feu, la matière, l'eau- nous plongeant dans un primitivisme assumé. Ces instants sont naïfs autant qu'étranges et l'artiste petit homme en devenir semble mu par une essentialité difficile à saisir.
La rupture viendra de la technologie  L’espace scénique, d’une dimension de trois mètres sur trois est composé de neuf carrés lumineux, autonomes qui grâce à elle vont s'allumer et s'éteindre aux rythmes de la musique.Un jeu s'installe entre les balles, les dalles  lumineuses, le jongleur. On attend l'effet hypnotiques mais la musique et les rythmes qu'elle propose nous paraissent  répétitifs et parfois lourds. 
Le jongleur pris dans son désir de jongler semble perdre le fil de son histoire. La démonstration de jonglages prend le pas sur le spectacle et la dramaturgie mise en place s'effondre. Les balles redeviennent des balles.


Petit chapiteau pour Les Dodos...Ils sont cinq, font groupe et jouent des interactions inévitables dans cet espace aux embûches variées.  Tout commence par un équilibre sur la tranche d'une guitare qui nous met dans une apnée respiratoire et visuelle. "ils sont doués"  entend - on dans le public. Sur la piste la guitare s'impose. Elle va être l'objet à partager, créatrice d'événement et source de discorde ...  Une guitare, des guitares, des violons parfois, du violoncelle aussi. Au Ptit Cirk on est musicien autant qu'équilibriste, acrobate et comédien. C'est gai sous le chapiteau, c'est chaud aussi tant on est serrés et heureux... Ces quatre  garçons, accompagnés d'une seule fille inégalité dont ils jouent volontiers, savent nous embarquer dans leur monde auquel le mot d'ordre " tous ensembles, tous ensembles " va comme un gant ! On passe de la nostalgie tzigane, à un univers de Totem composé de guitares empilées, la valse accompagne les mains à mains, on galope avec eux et l'on joue comme des enfants. L'espace est reconstruit sans cesse ligne, cercle, ou point focal, obligeant le regard à se déplacer et l'imaginaire à se réveiller. On frappe des mains sans s'en rendre compte. Équilibre, jonglage, voltige et autres activités circassiennes,  tout y passe avec rythme et qualité. Ils ont le sens du comique de situation mais aussi de la perfection; ils sont tendres mais tendus dans leurs actions; très humains mais nous dépassent tous. À aucun moment ils ne perdent le rythme, leur inventivité n'a pas de limites.  



DRU - June cie

Si Le Ptit Cirk affirme le cirque les filles de DRU ont choisi le "non trapèze" comme il y a la non danse. Pour elles le trapèze n'est plus l'agrès source de prouesse technique mais "un lieu"  ...  Le lieu d'une battle dirait - on car le défi est ce qui va lier les deux filles Hanna de Vietter et Samantha Lopez. Mais un défi qui n'emprunte pas aux figures circassiennes mais aux éléments fondateurs du trapèze : se balancer, s'accrocher, rester suspendu, lâcher - reprendre, tomber etc... Le rien est au coeur de la représentation, un rien certainement jouissif pour les artistes mais qui demande patience et abnégation aux spectateurs. 
Tout démarre au rythme de frappes de pieds au sol accompagnées d'une voix; on pense au travail de la chanteuse Camille tant l'association des basses et de la mélodie en est proche. l'une est seule sur son trapèze et attend, l'autre vibre de sons : lenteur, silence, vitesse et  production de mots dans un temps donné posent le cadre. On pressent un mélange de chorégraphie, trapèze, manipulation d'objet ;  ensemble porté par deux personnage que l'on sent clownesques mais sans certitude car leur volonté d'affirmer un propos personnel est plus fort que tout. 
Elle et Elle à tour de rôle se toisent ou se tiennent par la barbichette. L'une montre le muscle, l'autre non; je m'accroche - je me décroche et toi ? Moi  je ne bouge pas, je laisse faire le poids. Ce petit jeu finit malgré tout par des portés à deux ou des chutes magistrale sur le gros tapis dans lequel elles s'enfoncent.  Avec Dru on est dans l'expérimental qui pour l'instant n'a pas tous les éléments susceptibles de constituer une représentation à partager avec un public. Mais vu et regardé comme un manifeste du on est là, on sait faire mais on ne fait pas  ...pourquoi pas.



Un petit tour au jardin des sens situé sur un monticule dominant le village va nous distraire de nos préoccupations "cirque - non cirque ".  Une piste ronde y est installée et un duo au mât chinois, sans prétention mais attachant, va dérouler les vertus du couple, de la confiance et de l'attachement. O let me weep  de la  compagnie les mains sales met en scène un homme et une femme les yeux bandés qui se cherchent, se frôlent, s'évitent ou s'agrippent violemment. Un musicien les accompagnent. Le sentiment amoureux du couple est joué dans les extrêmes de l'amour à la haine avec des embrassades et des lâchés qui déjouent le risque et provoquent la peur. On est dans la nature, le vent frais du soir répond au récit du jardinier (lui) qui parle d'oiseau et d 'insecte tandis qu'elle le titille. C'est simple et tendre avec un rien de déjà vu.


Un peu sur ma faim,  je me suis demandé qu'est - ce qui fait un bon festival  ?

L'accueil, le mélange des publics, la nature des spectacles et leurs horaires, un élément clé qui fait événement... ? Ma réponse serait l'atmosphère qui émane d'un moment unique qui porte en lui la classe, la beauté, la découverte et l'exceptionnel. Nexon a une tradition du beau, le cadre du parc, le château, les chapiteaux colorés sur la pelouse, la campagne et son étang ... 

À mon arrivée je n'ai pu m'empêcher de m'exclamer "mais que font ces food trucks sur la pelouse" et  "cette sorte de wagon peint en rouge" qui gâche les perspectives, vous ne m'en voudrez pas j'ai un attachement à la beauté des lieux ! Ces éléments posés là marquent le changement et l'adéquation avec l'air du temps car aujourd'hui on vient pour le cirque certes mais aussi pour passer un moment, se changer les idées et consommer. Alors le désir d'aventure et de découvertes ne trouvent pas forcément une réponse dans la proposition actuelle.

Et puis une autre question se pose :  un  festival est - il le lieu des séries ; 4 à 5 représentations par exemple pour chaque spectacle. C'est important de jouer pour les artistes certes mais pour le public. On a beau lire et relire le programme, on bute vite sur du déjà vu et les activités dites EXTRA n'ont pas forcément la faveur des passionnés de cirque. 


L'époque change, le changement est là,  on consomme plus qu'on ne goûte ...




Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Danse - Fêu - Fouad Boussouf - Théâtre du Rond Point - 20 octobre 2023

Danse - Van Gogh, un dernier été - Semaine de la danse - Lavoir Moderne Parisien - 23 - 28 mai 2023

DANSE - festival JET LAG - L'étoile du Nord, Paris - ATTITUDE - 26 mai 2018