Danse - Fêu - Fouad Boussouf - Théâtre du Rond Point - 20 octobre 2023

 


 

 « Nass » convoquait les hommes sur le plateau en traitant de la rue arabe, ici ce sont les femmes gardiennes du foyer qui l’envahissent. Ce choix assumé n’est en rien le signe d’une quelconque velléité ou envie de genrer ses spectacles, il s’agit juste pour Fouad Boussouf de se plonger dans ses souvenirs d’enfance : le dehors domaine des hommes, le dedans domaine des femmes. Ce partage de l’espace d’expression, habituel au sein des sociétés orientales, il l’a vécu dans son enfance et en garde si ce n’est une nostalgie, une empreinte qui le guide dans ses créations.

 
Né au Maroc, où il est resté jusqu’à l’âge de 7ans, il vivait comme tous les jeunes enfants dans l’intimité de femmes aux cheveux lâchés (on pense au film Halfaouine de Ferid Boughedir). Et ce feu dont il parle est le sien, celui autour duquel les femmes de la maison se réunissent, ce feu qui réchauffe, anime la discussion et permet aussi de cuire la nourriture ; l’exacte traduction de la vie. 

Il connait cette nécessité de garder vivant le feu qui rassemble.

 

C’est tout ce passé que « Fêu » sa nouvelle création nous livre, le feu symbole qui nous relie aux origines, ce feu dont ici le « e » est surmonté d’un accent circonflexe, figurant sans coquetterie le toit de la maison.   

Le rythme d’un battement de cœur, un point   lumineux scintillant telle une flamme dans la  pénombre, des frôlements d’étoffes et des corps devinés…Dix femmes vont progressivement apparaitre sur le plateau formant de leurs pas un cercle, espace dont elles ne se départiront plus. Marches, courses, rebond, elles le dessinent, l’arpentent, le parcourent à l’endroit comme à l’envers et le font vibrer faisant corps avec lui. Quelques sauts viennent ponctuer cet emballement et isolent un instant l’individu au milieu du tout accentuant ainsi la définition, que l’on peut penser  sacrée, du cercle à la fois fini et infini mêlant l’unité et le multiple. 
 

L’écriture chorégraphique est nourrie de cette forme « le chœur et l’individu », donnant l’occasion à chaque danseuse d’exprimer sa propre force dans de courts solos qui émergent du cercle.  Les corps s’exposent, les personnalités s’affirment confirmant ce que l’on sait de la pensée du chorégraphe ; au- delà de la technique les personnes sont au cœur de son travail. Jazz, hip hop, classique ou contemporain, les stylistiques sont partagées ou plutôt mêlées dans ce cercle animé par une pulsation musicale stable et entêtante, que François Caffenne le compositeur a enrichie de structures rythmiques puisées dans des cultures diverses.

 

Dans cet ensemble -figure du cercle, corps investis, pulsation prégnante- les cheveux mènent la danse. Ces cheveux, souvent convoités car cachés, se livrent ici aux regards avec détermination. Ils propulsent les corps en avant, déclenchent des mouvements de bustes vigoureux, tournent ou font tourner la tête. Référence aux origines ou évidence apparue dans le travail, l’image des danses traditionnelles dans lesquelles les femmes dansent avec les cheveux, font de 8 avec la tête et laissent aller le mouvement, qui traverse le spectacle, ne peut être occultée. Les souvenirs émergent acceptons les, eux et la poésie qu’ils véhiculent. 

Au coeur de cette danse physique autant que régénératrice, mue par un élan collectif le feu ne s’éteint jamais.




Interprètes :  Serena Bottet, Filipa Correia Lescuyer, Léa Deschaintres, Rose Edjaga, Lola Lefevre, Fiona Pitz, Charlène Pons, Manon Prapotnich, Valentina Rigo, Justine Tourillon
Composition : François Caffenne
Costumes : Gwladys Duthil
| - S
cénographie : Aurélie Thomas
| - Création lumière : Lucas Baccini

Le Phare - CCN du Havre Normandie

en tournée 2023 - 2024

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