Performance - Shingo Ota, Kyoko Takenaka - Maison de la culture du Japon - Paris - 15 au 19 novembre 2024

 



Tradition et transmission sont au cœur de ce spectacle performatif autant caustique et baroque que sérieux. À partir de la geisha, image symbolique et avantageuse du japon les auteurs Shingo Ota et Kyoko Takenaka pose la question de la pérennisation d’un art traditionnel dans une société moderne dont les codes se heurtent à son besoin d’histoire. Sur scène accompagnés du musicien Kazuhisa Uchihashi, les deux interprètes nous livrent leur réflexion sur la place de la tradition dans le Japon aujourd’hui.

 

Passé - Présent

Tout commence par des images projetées en fond de scène. Sur l’écran on assiste à la transmission d’une danse par Hidemi, la dernière geisha, à la comédienne Kyoko Takenaka partenaire du documentariste Shingo Ota sur le projet, l’atmosphère est feutrée, les gestes de la geisha extrêmement précis et délicat, mais on assiste aussi à une conversation animée entre les auteurs sur la pertinence du choix de cette recherche autour du portrait de la geisha. À ces images du présent répondront durant le spectacle des images du passé, des photographies en noir et blanc représentant Hidemi dans des scènes de la vie d’une geisha, en costume traditionnel, maquillée et portant nécessairement la perruque. Si l ’espace de la transmission, la maison, est intime, restreint, l’espace de la conversation, la voiture, est bruyant, confus, quotidien. Kyoto Takenaka y aborde la question féministe rejetant la position de la femme dans la tradition telle qu’elle apparait à travers la vie d’Hidemi, le documentariste revendique son interrogation sur l’écart entre l’imaginaire convoqué par ce symbole japonais et la réalité. La juxtaposition des mondes apparait alors comme une des problématiques de ce spectacle qui au gré du récit va mélanger les époques et les styles 

 

 


Hidemi, la dernière geisha

Pour sa recherche documentaire, Shingo Ota a passé six mois à séjourner dans sept villes différentes pour rencontrer des geishas et prendre des cours. À Kinosaki, station thermale de 3000 habitants, située dans la région du Kansai où, dans les années 1960, 160 geishas environ travaillaient, la rencontre avec Hidemi, la dernière geisha, est décisive. Son histoire, la maitrise et l’amour de son métier en font une artiste accomplie. 
 
Fille de Geisha, être geisha est pour elle une vocation ; à 12 ans elle choisit d’entrer dans l’okya de la ville pour apprendre cet art traditionnel auprès d’un maître. Sa vie est alors réglée autour de ce choix : l’école le matin, l’apprentissage de la danse, du chant et de la poésie l’après-midi ; la participation aux banquets, lieux d’expression de cet art le soir jusqu’à 22h, viendra plus tard.

 

Sa vie se déroulera ensuite de banquets en banquets. 


La danse est au centre de cet art traditionnel : descendre le bassin, moins incliner la tête, l’éventail à l’horizontal, l’apprentissage passe par les mots, les codes et les références. La posture dans la vie comme dans la danse doit être parfaite.  Bras, buste, tête, lenteur du geste, bas du corps fermé, l’art est exigeant.  Entre démonstrations sur le plateau, images et textes, les danses apparaissent complexes, vivantes, avec un vocabulaire corporel parfois audacieux comme cette posture en appui sur les épaules jambes en l’air. Et surtout toutes racontent des histoires comme La floraison de l’iris qui a séduit Ota. Face à cette transmission par Hidemi, le féminisme revendiqué par Takenaka ne résiste pas : être geisha relève d’un art traditionnel que l’on apprend et que l’on pratique. La femme s’efface au profit de l’art. Finies les postures contemporaines, retour à la tradition…Ota séduit par le code entre dans la danse et performe… 

 

Spectacle multiple

Dans sa forme la proposition mélange à la fois le récit sur la création du spectacle et le spectacle : des vidéos et des performances au plateau ; une interpellation du public pour l’inviter à réfléchir aussi bien à la question de l’artiste aujourd’hui qu’au besoin de préserver les traditions par des subventions…L’ensemble qui se déploie sur trois espaces -écran, plateau, salle- semble parfois décousu mais la deuxième partie qui engage les artistes dans un Battle nous renvoyant à une réalité plus dure, la rivalité des geisha de villes à villes, provoque un sursaut émotionnel étonnant.


Tout au long de leur recherche, Shingo Ota et Kyoko Takenaka se sont confrontés à la vérité d‘Hidemi et ont peu à peu développé une vraie passion pour son art. Ils ont endossé le kimono, la perruque, le obi et se sont approprié les danses jusqu’à se fondre dans une réalité que certainement ils fantasmaient. Par habitude on parle du Japon en termes de tradition et modernité, où des images « choc » comme celles de la geisha et du samouraï, l’éventail et le kimono, le salon de thé et l’estampe Avec « Les dernières geisha » ils font part de leur fascination pour un art traditionnel, abordent la question de sa préservation et exposent leurs interrogations de façon directe, un rien « subversive »,  


La question de la perpétuation des traditions est d’ailleurs un sujet qui traversent régulièrement la pensée d’artistes contemporains de différents champs. Théâtre, musique, danse cette problématique irrigue les créations soit en devenant le moteur d’une écriture nouvelle soit en interrogeant l’effacement dû au temps qui passe. Cette sensibilité se retrouve par exemple au centre de Sketches of Myahk documentaire de Koichi Onishi sur la préservation par les habitants des chants des ancêtres et des chants sacrés des iles Miyaka, Okinawa programmé récemment à Paris.

 

 

Les dernières geishas

Spectacle performance

Mise en scène et interprétation Shingo Ota, Kyoto Yakenaka

Musique Kazhisa Uchihashi

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