
Pour réaliser Corps Exquis,
Joanne Leigthon a contacté 58 chorégraphes qui à leur manière ont contribué à
la création. Reprenant le jeu inventé par les surréalistes, le cadavre exquis qui consiste à écrire un texte
à plusieurs en respectant un principe établi - un personne écrit une phrase en
haut d‘une feuille, la cache et passe la feuille à son voisin, celui - ci
continue l’écriture sans connaitre ce qui a été écrit avant- la chorégraphe
leur a proposé de créer 1mn de danse mais à partir des dix secondes de la
phrase du chorégraphe précédant. Le cadavre exquis est un jeu stimulant, si ce
n’est amusant, très utilisé en pédagogie de la danse comme du français pour
éveiller la créativité et faire tomber les barrières de la pensée. Les
chorégraphes se sont accordés pour certains une grande liberté pour d’autres la
possibilité d’affirmer leur écriture dans un format express et là est toute la
problématique et l’intérêt de ce jeu. Que fait - on de cette minute à la fois
libre et contrainte.
Le jeu est
dans le « je » du chorégraphe.
Trois solos donnés en succession répondent partiellement à cette interrogation
mais surtout nous disent encore une fois que la danse est multiple.
Sur le plateau, deux filles et un garçon- Loren Bolze, Marion Carriau et Yannick
Hugron – interprètes aux qualités rares vont se succéder pour nous livrer le
résultat de cette expérimentation chorégraphique commencée par Joanne Leighton en
2012. L’écriture est bien sûr morcelée, on est attentif à la chaine qui se
construit, on cherche des références, des signes qui nous feraient reconnaitre
le ou la chorégraphe : est - ce la fluidité de Trisha Brown, ou celle de
Stéphanie Aubin et la lenteur, est - ce Myriam Gourfink ? Comment a répondu
Christophe Haleb ? Chanter Dalida est sans aucun doute politique, affirmer
le kitch en paillettes et l’écologie par la venue des petits arbres aussi. Le flirt
avec la mode est utile parfois dans ce genre d’exercice.
Les informations
s’enchevêtrent, les idées défilent, on perd parfois les corps. 58 chorégraphes,
58 minutes ce cadavre exquis chorégraphique
devient pour certain une chasse au trésor, pour d’autre un panorama des esthétiques
à l’œuvre dans le répertoire de la danse contemporaine française, pour tous un
voyage
Malgré le timing et la durée limitée des séquences, les interprètes portent
avec aisance les imaginaires qui apparaissent sur le plateau. Ils évoluent dans
une scénographie qui rappelle Robyn Orlin, plateaux encombré, amas de tissus au
sol, masques, spots au ras du sol découpant l’espace, des néons. Les lumières changeantes
en fonction de chaque séquence sont particulièrement importantes, elles orientent
notre regard vers l’essentiel – le danseur (ses) et la danse- tout en créant le
fil qui relie les propositions.
Un document qui retrace cette aventure accompagne la création. Une page par
chorégraphe. Des photos, des textes, une lettre... l’ouvrage est beau, il est le témoin de la démarche intellectuelle de la chorégraphe.
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