Avec
la nouvelle équipe réunie par Martin Palisse, directeur du Sirque de Nexon depuis 2014, le festival d'été a
pris une nouvelle orientation et un nouveau nom en 2021: Multi - Pistes remplace La
Route du Cirque et s’ouvre à d’autres disciplines principalement la
musique et les arts visuels. Le format avec son temps fort au milieu de l’été
fait place à de mini festivals construits sur les week-end et des choix
dépassant l’artistique tels vacances, détente et enrichissement culturel sont pris
en compte afin d’attirer un public plus large et intergénérationnel. La dimension Éducation Artistique et Culturelle dans sa version participative est
également un élément fort de la politique de développement des publics portée
par l’équipe. À Nexon l’été outre assister à des spectacles, le spectateur -enfant,
ado ou adulte- peut suivre des ateliers « découverte », faire un
échauffement corporel et parler en toute simplicité avec les artistes présents
sur le site le temps du festival. Donner le gout du spectacle de cirque, susciter
la curiosité chez les novices, continuer à vivifier l’intérêt des habitués
et surtout faire se rencontrer les publics et les œuvres est ce que souhaite
porter Multi - Pistes.

Ces
week - end peuvent paraître un peu courts au festivalier averti et un peu sages
au festivalier qui vient chercher la fête. Nexon n’est pas Aurillac et l’été
ici est volontairement conçu à destination de tous les publics. Sur un week -
end on peut rencontrer le cirque pour les uns et faire au moins une
découverte pour les habitués.
C’est
le cas avec Time to Tell création 2020 du jongleur Martin Palisse et du metteur
en scène David Gauchard. Banal de dire que ce spectacle est libérateur pour
l’artiste. Banal d’écrire les balles l’ont aidé à vivre, les balles l’aident à
dire. Mais il s’agit bien pour Martin Palisse, que l’on connaît depuis quelques
années à travers ses créations, de se livrer et de dire ce qui a constitué sa
vie : la maladie (la mucoviscidose), le jonglage et le temps qu’il sait « compté »…
Le calme et la patience de l’artiste nous saisissent tout au long du récit, la
patience avec ses balles qui tombent parfois, avec cette vie qui lui échappe.
Être malade s’est appréhender au quotidien l’art de la chute, la sentir dans
son corps et jouer avec elle une partie difficile…

Dans
le vaisseau structure en dur qui a
remplacé le chapiteau fondateur du cirque à Nexon, dont la définition recrée un espace théâtral plus traditionnel, le public est installé en bi-frontal libérant un espace
central, un couloir entouré de néons. Tee shirt et short noirs, tatouages et
oreillettes, assis sur une boite Martin Palisse 40 ans, face au micro, commence
son récit, celui de sa vie. Le dispositif est simple, il n’est pas question ici
de démonstration technique -3 balles accompagnent cet autoportrait et un
jonglage minimaliste se développe sur la durée- ni de construction d’un univers
esthétique dernier cri animé par une musique électro ou un DJ à la mode. Coté
son, l’association platines – vinyles disposés par terre - micro suffira. Et pourtant le jonglage est
là, balles blanches, balle noire (sa maladie ?) le corps se meut dans une
précision articulaire remarquable. Les allers - retours sur la piste toute en
longueur se succèdent, tout en jonglant l’artiste raconte, l’artiste et sa famille, l’artiste et
ses voyages, l’artiste et ses médicaments, les visites à l’hôpital…Les balles
n’obéissent pas toujours, mais un équilibre sur une jambe et tout se remet en place…
Jongler avec elles, avec la maladie, avec le temps, accepter cet entre deux du
connu - inconnu !
Le
jonglage impose le temps de l’autre « la balle », semble nous dire Martin
Palisse comme la maladie oblige à accepter son temps à elle que nous ne maitrisons
pas. Leçon de vie ? Non juste un
constat « tant que je jongle je suis vivant ».
Ce
récit, diffusé à partir d’enregistrements ou porté par la voix de l’artiste, n’a
rien d‘impudique, il retrace avec honnêteté un parcours dans un monde que nous
connaissons mal, celui de la maladie, du malade et de l’hôpital; un parcours
aussi exigent qu’un parcours d’artiste avec toutes ses attentes, ses surprises et ses
déconvenues. Un parcours au cours duquel se pose sans cesse la question du
nécessaire et du contingent…
La
musique est là pour nous guider dans cette mise à nu. De vinyles en vinyles on
découvre ses passions : Quentin Rollet - Thierry Muller, Throught the
looking glass, les sons pop rock des années 70… La grande course sur du free jazz nous émeut.
David Gauchard auteur de la mise en scène a travaillé en étroite collaboration avec Martin Palisse et leurs entretiens enregistrés forment la trame du spectacle. Sa présence aux représentations est là pour canaliser le récit. Dans ses oreillettes Martin s'entend raconter, exercice peu facile mais fondateur d'une vérité au plateau.
Avec ce spectacle on
comprend mieux la froideur de ce corps tout en tensions dont jusqu’à présent le
mélange d’habilité et de maladresse étonnait et la distance et la retenue qui ne
sont en rien des postures.
Avec Time to Tell Martin
Palisse et David Gauchard dépassent le principe de la simple autofiction pour réveiller
en chacun de nous des parcelles de vie porteuses de sens.
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