Danse - La Belle Scène Saint Denis - festival Avignon off - La Parenthèse - 14 juillet 2021



Danser, danser pour un public, sentir l’énergie circuler entre plateau et gradins c’est l’essence même de la vie d’un danseur ; partager son travail, la nécessité du chorégraphe. Le théâtre Louis Aragon l’a bien compris et son temps d’été « La Belle Scène Saint-Denis » en est la preuve. Durant 10 jours, installé à La Parenthèse un de ces lieux inattendu que le festival off d’Avignon recèle, Emmanuelle Jouan - directrice du TLA, programme les artistes engagés à ses côtés tout au long de l’année. Pour certains, cette visibilité conforte leur démarche artistique, pour d’autre elle donne une réalité à un travail souvent mené en solitaire, pour tous il répond physiquement à cet essentiel si vague mais qu’ils connaissent parfaitement eux qui arpentent sans relâche le terrain de l’action culturelle.     

 

Le programme #3 conçu en collaboration avec Danse Dense montre la diversité actuelle présente dans le champ chorégraphique. Rebecca Journo, Mié Coquempot (qui nous a quitté en 2019) ou Marine Collard utilisent la danse pour dire dans des formes et des esthétiques personnelles parce que ces femmes ont des choses à dire sur le corps, la beauté, l’humain ou l’inhumain.

 

 

La Ménagère - Rébecca Journo     
On entre, le plateau s’offre à nos yeux, noir et blanc ; on plonge sans y penser dans l’univers du sol carrelé celui qui est gravé dans nos imaginaires et s’impose jusque dans les publicités. Elle est là, femme dans sa quotidienneté, « La Ménagère ».

Assise sur un tabouret, son regard est vide, son visage sans expression dans une attitude de lassitude qu’on a tous observé un jour ou l’autre sans vouloir mettre des mots dessus. L’enfermement ménager s’annonce dans des gestes précis, nets que l’on reconnait, dans des postures où les bras semblent les nôtres. La blouse est là, décor de ce corpus d’actions à la familiarité stylée. De répétition en répétition, de phrases faites et refaites identiques à chaque passage, dans un trajet qui dessine les quatre côtés du plateau, on regarde ces mains si précises et si belles dans la monotonie. Et vient l’éponge …La posture de Rebecca Journo est claire et sa prise de position radicale :  nous donner à voir la construction progressive d’un asservissement sociétal. La partition en trois partie fait sens, gestes, gestes plus musique, geste plus… changement de dynamique, chute, écroulement. Le corps manie le temps, l’espace, l’énergie avec maestria, sans besoin d’effet autre que la vérité de l’action. II traduit les émotions que traverse la ménagère, épuisement, torpeur, fatigue, hébétude nous faisant pressentir l’usure et la déformation. Tout métier a ses gestes, tout positionnement social aussi ; tenir, avancer, continuer… à chaque pose sur le tabouret posté à l’angle du plateau,   repartir … il le faut ! Le principe du discours est en place, le corps et toute sa mécanique d’expression aussi, on en admire la technicité. Ce vrai travail de théâtre physique nous embarque et cette ménagère agite en nous bien des sentiments.

 

Tout autre est le travail de Mié Cocquempot. Belle danseuse, passionnée de musique à laquelle le père compositeur a insufflé l’art de la rencontre entre mouvement et son, elle a créé autour de cette relation solos et pièces de groupe que sa compagnie K622 souhaite préserver. Sans elle, sans son regard et son écoute Alexandra Damasse et Jazz Barbé ont repris chacun un solo créé à la fin des années 90. La danse est technique et graphique et porte en elle le dépouillement associé à l’abstraction pure des années 70. Comment trouver cette résonnance du son dans le corps et la puissance du corps dans sa confrontation au son. C’est pourtant là que se joue le vivant de la danse de Mié. La présence d’Alexandra Damasse un peu froide laisse notre esprit s’échapper vers la musique. Ce découplage son - mouvement s’avère cependant heureux car il oblige à trouver le lieu de la rencontre et pousse à affiner autant le regard que l'écoute. Jazz Barbé fait preuve d’une physicalité idéale pour installer une présence forte sans tension, juste être là. Avec lui la musique semble habitée, son énergie déployée permet un jeu corporel soumis autant que complice de l’écriture musicale ce qui enrichit son phrasé et le sens du poids bien utilisé apporte un rien de modernité. Bel hommage.     

 

Textes et corps, « Le tir sacré »  de Marine Colard et Esse Vanderbruggen ou comment s’appuyer sur un commentaire sportif pour parler du corps étonne. À l’écoute du texte diffusé, on ne sait pas trop où l’on est. Un super marché, chez soi envahis par le son des voisins ? De quoi parlent ces mots entendus ? De sport …   Les deux interprètes d’ailleurs s’affrontent, elles sont là front contre front, face à face.  Ça sent la boxe, Çà frime l’athlète. Les mots entendus commentent un match… Je suis un peu perdue. Je me questionne pourquoi cette caricature mais en est-ce une seulement ? Tous les journalistes sportifs ne sont pas comme ça, ils n’hurlent pas tous, ils se documentent et préparent leurs fiches … Nous ne sommes plus à l’heure où seule la radio existait et où les commentateurs s’excitaient le micro à la main pour nous faire vibrer…La situation semble un peu convenue pour l’élaboration d’un discours sur la performance ou l’excellence, par contre si la volonté est humoristique c’est sur la bonne voie. Perplexe, je reste sur ma faim et j’attendrais la suite puisque c’est annoncé comme un travail en cours.

 

 

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