Danse - Olivier Dubois- Itmahrag - Festival les singuliers - le 104, 2 mars 2021


 

 


Imahrag - Olivier Dubois

Ils sont sept sur le plateau, sept à l’arpenter avec ardeur et excitation ; ils parlent, chantent s’agitent, interpellent le public. Micros en mains et tchache désinvolte leur jeunesse explose sous nos yeux. Un brouhaha musical et corporel s’installe d’où émergent des langues -anglais, arabe-, des corps masculins, des rires. Les sons de la musique Mahraganat -choisie par Olivier Dubois comme élément central de Itmahrag sa dernière création- soudent ces jeunes égyptiens. Chanteurs pour les uns (4) et danseurs pour les autres (3) ils ont tout pour plaire ou…. déplaire. Le jeu, le défi, l’humour et cette façon de détourner le mauvais sort par des pirouettes mentales semblent les définir ; se présenter est pour eux un vrai gag tant dans ces pays entre surnom, nom du père, nom d’emprunt, nom d’usage constituent un labyrinthe dans lequel nous entrainer a la saveur d’un plaisir de gosses. On aurait pu les avoir croisés sur une place, en boite ou sur une plage d’Alexandrie, les entendre rire. Proche et lointain, leur ordinaire de « jeunes des quartiers populaires égyptiens » s’impose à nous sans pour autant nous fasciner. Leurs gestes dansés tirés du quotidiens, cette manière de nous regarder en face ou de sagement s’asseoir pour écouter l’un des leurs, ces chaises rouges et orange qui les attendent rangées en fond de scène, on veut bien tout tant leur joie d’être là est palpable. Mais pas que … 

 

 

Olivier Dubois comme à son habitude nous plonge dans un monde sans compter, sans discours, sans égarements, sans faux semblants. Face à cette ivresse de musique et de corps qu’il balance sur scène, seules solutions partir ou rester.   

Sensible au monde qu’il aime et nous fait découvrir, il n’occulte pas dans son récit la violence qui rode dans la société égyptiene ; les corps ont des saccades de détresse et des évanouissements de terreur ; la bagarre est à fleur de plateau.

 La rosace qui trône en fond de scène, posant question au spectateur, va par sa rotation nous montrer l’envers du décor. Cette musique Mahraganat née en 2006 d’un mélange d’électro et de chaabi a accompagné les révoltes arabes et s’est imposée en 2011 comme la musique d‘une jeunesse populaire rêvant d’un avenir bien à elle. Les textes considérés parfois comme vulgaires n’éludent pas la réalité qui a fait flamber le pays ; ils parlent de violence, de sexe, de politique, d’alcool et de drogue. Subitement, dans un éclairage de néons vert, rouge, bleu la musique explose et les corps éclatent sous les déflagrations de parcelles de souvenirs.  Le cataclysme est là, les chaises s’empilent en barricades, les danseurs se regroupent, tombent, s’entassent comme morts. La résurgence de la révolution traversée, la musique comme expédient, la pulsion de vie qui anime ces jeunes et toujours en filigrane l’incertitude et le déséquilibre face à une société en reconstruction, tout est dit de ce désarroi dans lequel vivent ces jeunes. Leur audace à en témoigner est stimulant.

Quelques temps morts, des temps de latence qui nous interrogent, l'anglais qui parfois nous rebute mais   .....Que les taxis, les stations de radio, les mariages donnent encore à entendre les refrains de ces chansons entendues.     

 

Donné au 104  le 2 mars à 16h pour les professionnels.  

 

 

 

 

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