DANSE - Les quatre saisons ou le mariage du loup - TPE Bezons - 10 janvier 2020
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Ballet de l'opéra de Tunis - Les quatre saisons ou le mariage du loup |
Surprise au TPE de Bezons - scène
conventionnée pour la danse avec « Les quatre saisons ou le mariage du
loup » d’Émiio Calcagno : le public est debout pour les saluts au
grand étonnement de cette équipe dont c’est la première sortie du territoire
tunisien. L’envie de convaincre a marché.
Le ballet de l’opéra de Tunis est
jeune, 2 ans seulement, son aventure a commencé en 2018 avec l’inauguration de
la cité de la culture et la création en son sein d’un pôle danse dirigé par
Nesrine Chaabouni, mais déjà on voit se déployer sur le plateau une ardeur dans
le geste et des qualités qui ne demandent qu’à s’affirmer.
Pourtant, imaginer
un ballet d’opéra composé de 14 danseurs permanents était un vrai challenge car
si l’on danse en Tunisie la pratique proposée au sein des conservatoires, MJC
et écoles privées est essentiellement à destination des amateurs et aucune
formation professionnelle « institutionnelle » de danseur -
interprète n’existe actuellement. Il a
fallu miser sur les expériences chorégraphiques passées, les nombreuses
initiatives individuelles nées de rencontres, de stages et de voyages et sur le
désir d’une nouvelle génération de s’inscrire dans un projet ambitieux.
Imprégnés de la tradition, emportés par la vague du hip hop les corps étaient
prêts ; former un groupe, installer un entrainement régulier et la discipline
qui va avec, donner confiance aux uns et aux autres restaient à faire. « Les quatre saisons ou le mariage du
loup » commande chorégraphique faite à Émilio Calcagno est le résultat de
ce travail.
Ils sont là sur le plateau dans
la pénombre, vêtus de robes et costumes pantalons colorés qui rappellent les
vêtements dénichés aux étalages des soldeurs de la médina. La
jeunesse ici s’affiche dans l’élégance de la créativité du quotidien. Fond de
scène - bord de scène les marches se succèdent en aller - retour dans lesquels
chacun prend le temps d’exister. La danse va éclater de ce moment au temps
suspendu et ne va plus quitter le plateau. Le style est le leur, il se décline
dans un mélange d’énergie, d’agilité venue du hip hop et de technique
contemporaine pour certains. L’ouverture du haut du corps donnant aux bras
toute leur dimension émotionnelle –travail certainement proposé par Émilio
Calcagno- crée l’harmonie qui les rassemblent dans le respect de leurs
différences.
L’écriture chorégraphique
n’appartient pas au registre de l’innovation chorégraphique et n’hésite pas à
utiliser des formes et des motifs connus, mais là n’est pas son objectif. Elle
s’appuie sur un potentiel vivant et correspond aux danseurs qui la porte.
La pièce, construite en séquences, aligne imagerie traditionnelle et violence du monde moderne mais surtout reflète parfaitement les humeurs de la Tunisie, ce pays où l’on passe sans cesse de l’ombre au soleil, de la douceur à la violence, du rire aux larmes…
La pièce, construite en séquences, aligne imagerie traditionnelle et violence du monde moderne mais surtout reflète parfaitement les humeurs de la Tunisie, ce pays où l’on passe sans cesse de l’ombre au soleil, de la douceur à la violence, du rire aux larmes…
Les jarres, la menthe et le
jasmin sont là, et les tapis de prière aussi, les références sont tenaces (on se souvient que
Carlson avait chorégraphié avec les cages à oiseaux de Sidi bou Said) ; la mort
rode souterraine vite balayée par l’éclat des danses populaires ; l’amour se réveille…
La musique aussi s’en mêle et l’on passe
sans sourciller du baroque de Vivaldi à la bande son de Waddad el Houni. Dans cet ensemble bigarré, on a
plaisir à voir émerger des interprètes comme Houda Riahi belle technicienne à la
force tranquille, Oumaima Manai qui fait preuve de combativité et laisse
échapper une violence viscérale, Hamdi Trabelsi un rien dandy…. Grace à tous,
cette œuvre a un charme fou.
On est en 2019, le printemps
tunisien (2011) est passé par là, il a marqué un changement important dans la
société, la liberté acquise se voit dans ces corps qui s’exposent à notre
regard. Ne cherchons pas trop d’explications ou de justifications politiques à
ce travail : ces jeunes dansent ce
qu’ils sont comme ils sont aujourd’hui vifs et pleins d’appétit.
Sincérité et engagement sont au
rendez - vous.
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