DANSE - AMOUR-S - Rencontres chorégraphiques innternationales de Seine Saint Denis - 4 juin 2019


Avec Radhouane el Meddeb, il y a des regards, des silences, de l’immobilité. 
Ce corpus d’attitudes et d’intentions me font penser à l’esthétique du cinéma tunisien où les gros plans insistants sur les visages semblent transmettre des non-dits, autant qu’à celle du théâtre où les arrêts des acteurs sur la scène se voulant signifiants m’ont parfois surprise. Une fidélité à ses origines ou une écriture qui s’est imposé à lui ?  Peu importe mais dès l’apparition progressive de la lumière sur le plateau on sait que l’intime va tenter d‘exister sous nos yeux.

Un piano est là, presqu’au centre de l’espace, le pianiste s’installe et les notes d’une mélodie douce de fin de soirée créent le décor d’AMOUR-S, avec un S car trois visions de l’amour émergées de souvenirs personnels vont accrocher nos regards sinon nos cœurs.



William Delahaye d’abord qui après un long regard au pianiste laisse vivre ses bras, portés par un corps aux allures presqu’empruntées. Il se déplace de – ci, de - là, donnant la sensation qu’il évolue dans une matière, comme en apesanteur. Douleur, incertitude, ses bras frémissent parfois, son corps semble habité par un je ne sais quoi d’indicible. Bel interprète ! Entre lenteur, fluidité et cassures volontaires son corps pourtant si sensible, a cependant du mal à nous embarquer sur la durée dans ces soubresauts de l’amour. On s’interroge sur ce geste unique dit et redit comme une antienne.


Puis une femme au pantalon sérieux et à la blouse sensuelle plonge avec détermination dans ce que l’amour pour elle veut dire. On la sent comme affamée. Agitation du buste, mouvements violents de la tête, bouche ouverte, pieds plantés dans le sol, tous ces mouvements partent du sommet du crâne et irriguent le buste sans jamais que le bassin soit sollicité. Étonnant, émouvant mais que se passe – t - il en elle de si puissant ? Le principe de Radhouane est d‘accompagner ses interprètes dans le mouvement initial déclenché par sa proposition : ici une lecture du texte de Khalil Gibran « Le prophète ». Forte de ces mots dont la génération 68 s’était emparés tant ils libéraient les émotions, Chloé Zamboni nous livre son plaisir jusqu’à nous étourdir…

La chanson parle bien de vertiges de l’amour alors ...
Comme les petites filles cherchent le plaisir dans le tournoiement de leur robe, c’est dans un tourbillon de déboulés réalisés sur une spirale que Philippe Lebhar nous entraine. Ce tournis est une évidence pour lui, il en sourit d’aise et l’on sent poindre l’extase. Ne nous trompons pas, point de mystique là-dedans mais juste du plaisir et finalement dans cette recherche d’un essentiel, sa proposition est très convaincante.    

Sans affectation, le pianiste a égréné avec tendresse ses notes anodines comme ces pianistes des grands hôtels qui bercent les fins de soirée de danseurs solitaires, entrés en eux - même, hermétiques au lieu et au temps…Comme lui on a accompagné ces 3 interprètes brillants pendant une heure, partagés entre patience et admiration pour leur candeur à se livrer sans filtre.    

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