DANSE - LES SPECTACLES SAUVAGES - Le regard du cygne - 22 et 23 mars 2018


Le regard du cygne

22 et 23 mars 2018, les Spectacles Sauvages ouvrent le « Festival Signes de printemps » au Regard du Cygne et comme toujours la programmation est diversifiée et les chorégraphes-danseurs engagés dans le mouvement. Que les propositions soient réussies ou non, abouties ou en chemin, là n’est pas la question, l’expérimentation reste primordiale pour trouver sa voix et l’on espère toujours que derrière ces essais se cachent un « chorégraphe » que l’on aura eu la chance de découvrir. 

Avec ses croches-noires-blanches-rondes égrainées au fil d’une pulsation régulière donnée par des percussions, Naima Mazic renoue avec la tradition dalcrozienne du rythme corporel. Les danseuses vêtues de noir sont impeccables de rigueur dans leur réponse aux sons et leur gestuelle presque mécanique accentue l’aspect technique de la proposition. Astucieusement les percussions sont des miroirs suspendus aux formes rondes ou carrées qui font penser aux mobiles de Calder. Le rythme, on le sait, est une composante essentielle du mouvement car il participe à la coordination, la musicalité et développe l’énergie nécessaire à la réalisation du geste. Binaires, ternaires les rythmes se rencontrent et s'épaulent. Les danseuses, chacune porteuses d‘une partition rythmique, construisent une polyrythmie à partir d’un tempo commun, ce qui montre bien la force d’une structure rythmique au service du geste mais aussi sa limite expressive. La séquence dansée reste un peu aride. 
 
Loin de la technique, les élèves des RIDC (rencontres internationales de danse contemporaine) dansent avec sincérité an H to B créé à partir du solo du même nom de Mié Coquempot.  Pour cette réécriture la chorégraphe a constitué trois groupes qui organisent l’espace et le font résonner. Les corps, les âges et les envies se mélangent merveilleusement bien dans cette proposition qui fait appel au plaisir d’entrer dans la danse. Dans cet espace des personnalités s’expriment. Groupe, solo, duo, on retrouve les apprentissages qui fondent la danse contemporaine, mouvement- espace - temps. On perçoit qu’une structure rigoureuse est à l’œuvre sans pour autant en percevoir tous les codes, mais les dix interprètes absorbés par leur tâche donnent à voir un bel engagement.        
  
Smail Kanouté se questionne et partage avec nous son questionnement. Quel sens donner à la vie, qu’elles sont nos origines véritables, comment nous sentons nous proche de telle ou telle communauté.  Sa danse est un parcours physique, émotionnel et spirituel au cœur de Sa vie… Malien d’origine il n’échappe pas à l’écartèlement identitaire auquel il est confronté. Sa danse est profonde, le dispositif scénique séduisant.

Interroger est aussi la colonne vertébrale de RESTER de Marie Desoubeaux ! Embarqués dans un entrelacs de mots, de questions, de mouvements on suit à l’aveugle ce parcours fait d‘inquiétude, de silences et d’incertitudes.  Il suffit de « J’ai une question… enfin peut être deux … » pour qu’on pénètre dans l’intime sans trop savoir où l’on va et c’est bien…S’abandonner et faire confiance. L’interprète Margaux Amoros (belle danseuse) prend en charge ce questionnement étrange autour du déplacement immobile dans une gestuelle fluide et très articulée, d’où émergent les bras, les mains, les jambes comme autant d'éléments fondateurs du discours qu’elle livre finalement à elle-même. L’équilibre texte - corps, et musique aussi, est très réussi.   

Le duo Marjorie Salles et Emmanuel Monneron s’empare des mots « partage », « soutien », « entraide », « marche », « lutte », mots qui tous parlent d’épreuve et de résistance. Vont - ils livrer bataille. D'une certaine manière oui avec détermination... Se battre pour un ailleurs, migrer pour survivre, pour que le corps vive. Pour qui a vu le film  « La marche de l’empereur » le terme de Thermorégulation social -titre du duo- n’est pas étranger et d‘emblée,  il nous fait entrer en relation avec ces deux êtres en perdition. Marcheurs-porteurs, ils se montent sur le dos l’un l’autre...  Équilibres précaires… Tentative de partage de corps si lourds… Marche pesante à l’unisson…  On se frotte l’un à l’autre. Doit - on chercher l’issue en soi, dans l’autre… ?  Le vocabulaire gestuel est précis, un peu simple mais résolument répétitif ce qui donne une tonalité réaliste à la situation.  Il y a quelque chose de beau dans ce court essai qui fait l’effet d‘un flash.  

Ces soirées sauvages sont réconfortantes par l’inattendu et l’audace qu’elles recèlent, mais aussi par l’application des artistes à aller au bout de leurs propositions quelles qu’elles soient. Aucun n’est dans le faux semblant et chacun cherche simplement à être là dans la justesse de son travail.
À suivre  





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