LA VIE EST UNE FETE ON DIRAIT... - Avis de turbulences #13 - L'Étoile du Nord Paris - 28 septembre au 26 octobre

Avec Raymond Carver, le banal vire au fatal, les baisers aux morsures et chaque situation se présente comme un abime insondable. Intéressé par les modestes et les « populaires », il a fait de leur quotidien une œuvre élégante et efficace.  Réaliste et concis par essence, en quelques mots il décrit autant les tensions des protagonistes que le décor de leurs élans. Sophie Bosquet danseuse et chorégraphe aime Raymond Carver, son écriture et ses atmosphères, suffisamment fort et suffisamment bien pour le faire entrer dans sa danse… Sa dernière création La vie est une fête on dirait…nous donne à voir et son amour pour l’auteur et sa capacité à passer du mot au corps dans une forme d’abstraction - narrative parfaite pour notre imaginaire …

Dans un décor aux lignes sobres, aux lumières crues qui créent des focus sur les éléments fondateurs de l’instant, et un découpage d’espace à la géométrie radicale (on se croitrait dans un tableau d’Edward Hopper), elle déroule la vie de 4 personnages (2 hommes – 2 femmes) sans rien éluder de leurs plaisir et déplaisir. Les postures, les gestes, les déplacements tout est clair, senti, sensible jusqu’à rendre le désastre possible. Tous les sentiments semblent rassemblés au sein de simples situations -repas, discussion, promenade- avec une économie de moyens proche de l’ascèse. Loin de théâtraliser elle donne à voir et il suffit de regarder….  

"La vie est une fête on dirait...." - Sophie Bosquet

Dans chaque acte, dans chaque geste le dérapage est là, possible, la vie est une fête mais tout dépend des choix que l’on fait. Cette question du choix, du dérèglement de l’intime, de l’évidence de la catastrophe sont là tellement simples en apparence parce que tellement vrais… La force des scènes vient du corps et du ressenti intérieur des danseurs c’est sûr, et de l’exactitude de leurs mouvements. Par ailleurs le rythme général de la pièce comme le rythme interne des scènes et les dynamiques des gestes sont une véritable écriture. Ce « road movie », comme elle nomme ce travail, est séduisant car il nous plonge dans ce que Carver veut dire sans le plagier. On est dans le bain à nous de nous saisir de cette immersion pour ... On ne sait jamais.

Après tout, la vie n’est qu’une fête !