"La relation artiste - programmateurs" Table ronde organisée au 104 à Paris par la société de production Mitiki




Créer c’est bien, mais une fois la création achevée le désir de tout artiste est d’être vu  Du public bien sûr mais aussi et d'abord des programmateurs qui ont en charge la diffusion de spectacles dans les structures culturelles. Il est rare qu’un producteur privé s’intéresse à la danse, investisse sur un artiste, loue une salle. De fait le périmètre de diffusion de ce type de spectacles est essentiellement celui déterminé par les lieux institutionnels : scènes nationales, scènes conventionnées, théâtres de ville et les festivals de tous ordres, en sachant que les scènes nationales programment peu de danse et que les scènes conventionnées pour la danse sont au nombre de 29 sur le territoire … Face à cette situation, l’éternelle question des créateurs « Comment entrer en relation avec le programmateur pour être programmé » n’a pas encore trouvé de réponse claire malgré les stratégies élaborées par les uns et les autres.
Participation aux plateaux, sorties de résidence, invitations aux répétitions, investissement dans une programmation au Festival off d’Avignon, envoi de dossier, mails, rappel téléphonique chacun mène son combat au risque de s’éloigner de la réalité de son travail : la création en studio. Les frères Ben Aïm, dont la compagnie a déjà une ancienneté dans le métier et a développé une structuration cohérente, constatent que 2/3 de leur temps de travail est consacré à la partie administrative -élaboration de projet et recherche de diffusion- ce qui réduit le temps de création au tiers restant…La compagnie La Vouivre constate dans un sourire que dans ce grand marché il y a trop de tout partout, danseurs, chorégraphes, compagnies : On est dans l’humain et on nous parle économie… Force est de constater qu’au-delà de l’artistique on parle argent et concurrence et que la relation relève aussi de l’équation Vendeur – Acheteur. Un directeur témoigne et avoue que son lieu dépend du politique, qu’il travaille avec les élus, que l’outil qu’il dirige a un cahier des charges qui n’est pas exclusivement tourné vers l’artiste et sa création mais vers un territoire, qu’il doit à la fois répondre aux attentes présupposées des décideurs et à celles (parfois à découvrir) du public… Dans ce dispositif à l’architecture complexe quelle place va réussir à prendre le discours de l’artiste ? Si l’on rajoute à çà le taux de remplissage et l’économie du lieu on comprend vite que si il y a malaise dans la rencontre artistes - structures culturelles, il est des deux côtés … Programmateur n’est en fait qu’un des aspects de la fonction de directeur et certains s’en plaignent, ils aimeraient pouvoir se déplacer, organiser des rendez - vous et concevoir de réels projets avec les artistes. Mettre en adéquation le lieu, le projet, les humains dans la durée est évidemment un souhait partagé et il est difficile de croire que les directeurs - programmateurs manquent d’audace ou d’humanité. Alors comment faire, comment et où se voir et se parler …
La folie de la mise en réseau a conduit comme toujours à des effets pervers, on cherche à y entrer en abandonnant parfois sa vision artistique et une fois que l’on y est on y est enfermé constate un chorégraphe. Où situer alors la rencontre, et sur quel terrain ?  Quand on est repéré comme artiste émergent ça marche, mais une fois que l’on a émergé on n’intéresse plus personne. 
La débrouille, toujours la débrouille malgré les chargés de diffusion ! À part pour certains et par périodes quand le projet entre en résonance avec les orientations d'une structure, flirte avec l’air du temps, plait au grand public, emmène le public là où il n’irait pas, est une bonne opportunité pour créer la rencontre artiste-public, et bien d’autres raisons encore ! On est bien loin de ce qu’un artiste attend « être désiré » et « être choisi » 

Cette table ronde n’a pas apporté de solutions mais elle a montré principalement deux choses du coté de l'institution : le manque de temps des directeurs et l’absence quasi systématique dans les structures culturelles d’un chargé de programmation à part entière ou d’un comité de programmation comme on pouvait le voir dans les organigrammes des Maisons de la culture à leur origine (il y a longtemps) car c’est bien l’artiste et son œuvre qui font vivre la maison qui l’accueille et parfois même en oriente le projet. Les artistes pourraient aussi s'engager plus, se soutenir en parlant les uns des autres, inviter de courtes pièces en première partie de leur spectacle comme les courts métrage pour le cinéma ou le principe de la vedettes américaine pour la chanson,  on peut encore certainement inventer d'autres formes en misant sur la solidarité et le partage ...
Mais si déjà on revenait aux fondamentaux, en n’essayant pas coute que coute -artistes comme structures- de répondre à toutes les injonctions du siècle…

Commentaires

  1. Et vous que pensez vous ?
    N'hésitez pas à donner votre avis et à témoigner de votre expérience ....

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    Réponses
    1. j'avais assisté en début d'année à une rencontre entre artistes de cirque, directeurs d'institution, chargés de diffusion, et le constat était à peu de choses près le même : déperdition d'énergie considérable pour contacter et faire venir les programmateurs, limites des dispositifs de facilitation (type ONDA, speed-dating artistes/directeurs), impuissance des directeurs même les plus respectueux face au nombre de mails et de sollicitations, etc. De plus en plus de compagnies comptent sur l'auto-programmation (location de salle dans le off d'Avignon ou dans des petits théâtres privés parisiens) et rêvent de mutualisation de projets de compagnies jeunes ou émergentes (festival de Villeréal, pour le théâtre, etc.). Donc, à défaut de faire "avec" les programmateurs, apprendre à faire "sans"....

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