DANSE - « À bouche que veux- tu » Avis de turbulences #13 - L'Étoile du Nord Paris - 28 septembre au 26 octobre
« À bouche que veux- tu », le
titre est alléchant, on s’imagine déjà en train de se préparer pour Le festin de Babette après quelques Baisers volés mais non étonnamment c’est
de bâillements dont il va être question. La barre est haute. Si les éthologues associent
généralement le bâillement à de la communication non verbale, avec pour signification
sociale chez l'Homme un signal de fatigue
ou d'ennui de l'interlocuteur, Sandra Abouav, elle, se situe du côté
du physiologique et cette ouverture extrême de la bouche due à un cycle respiratoire paroxystique semble sa préoccupation.
Ce moment singulier serait réprimé en société, la bouche obturée habituellement
par une main jusqu’à faire perdre au bâillement sa fonction libératrice. Moi
qui croyait que seule la bienséance guidait ma conduite et que comme pour la toux, mettre la
main devant la bouche permettait d‘éviter bien des contaminations et relevait
de la santé publique. Dont acte, mais qu’adviendrait-il si cette
libération arrivait.
La réponse à cette question
commence par terre dans
la semi pénombre sur fond de texte malheureusement en langue anglaise. Les
danseurs sont là endormis, alanguis, dans l’ennui, on ne sait pas, mais
leurs corps respirent c’est sur et s’étirent dans des mouvements d’alternances
repérables. D’inspires en expires, la loi des contraires va s’imposer de
séquences en séquences : tendu - relâché, gonflé - dégonflé, respirez - ne
respirez plus, bouger - pas bouger, sans oublier ça se ramollit - ça se raidit.
Les danseurs mettent leurs qualités corporelles au service de ces exercices d’expression
libre des corps dont on ne sait si le résultat relève de l’impro ou de
l’écriture. Leur capacité de présence et d’engagement est à toute épreuve. Bravo.
Bailler est important, respirer profondément aussi et une conférencière va nous
l’apprendre en prenant le micro pour un discours caricatural : une participation
active du spectateur est demandée… Là, d’un seul coup, je ne respire plus. Il s’ensuivra
une inspection buccale de proximité bouche ouverte petite lampe au fond de la gorge,
l’incontournable discours haché dit sur tabouret et bien d’autres inspirations
profondes…
Oui la bouche est un orifice qui
permet la relation entre le dehors et le dedans comme le nez, les oreilles et
bien d’autres choses en nous …. Elle permet l’alimentation, au sens générique
du terme, en air, nourriture, gout, mais sert aussi à l’expression vocale. De fait
elle est la vie même. Il est bien audacieux de penser que le fait de laisser
les bâillements s’exprimer sans gêne conduirait à une révolution source de libération
et déclencheuse de rêves éventuels. L’individu dans son rapport étroit entre physiologie
et psychologie est plus compliqué. Partir d’un postulat « bancal » est
dangereux et la danse au plateau l’a montré. Un à priori ne fait pas propos. Tout
est un peu convenu, plat, sans aspérité. Le bâillement même libéré ne resterait-il
pas finalement que l’expression d’un manque ou d'un vide dont cette danse serait le témoin ?
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