Plateforme danse - Bastia - Mai 2017

 
Dans ses techniques et ses esthétiques autant que dans ses modes de représentation, la danse contemporaine est riche, étonnante, parfois déroutante mais toujours en mouvement. Par sa programmation et son ouverture aux autres, le festival Plateforme danse a choisi de s’inscrire de façon dynamique dans ce courant où liberté et audace sont au cœur de la création. 
La diversité est un axe majeur de l’édition 2017, hip hop avec Pierre Rigal, danse intégrée avec Eric Languet de l’île de la Réunion, échanges méditerranéens et place faite à la jeune création corse…  Tout est là pour affirmer la nécessité d’une ouverture au monde pour sentir la richesse qu’elle apporte. L’attrait du public pour cet art vivant qui offre de nouveaux espaces créatifs semble d’ailleurs entrer en résonance avec les propositions de ce rendez vous annuel initié par Hélène Taddei du collectif Art mouv Zone libre.


On retiendra, pour la qualité qu’elle recelait, la soirée partagée entre Christian Rizzo chorégraphe et artiste visuel - directeur du Centre Chorégraphique National de Montpellier et le collectif Art mouv – Zone libre implantée à Bastia.

Avec Sakinan Göze Çôp Batar, solo interprété par Kerem Gelebek, Christian Rizzo parle de l’exil, de la solitude, de la solitude à soi - même… Dans un décor lumineux où se déposent peu à peu, de façon éparse, divers objets personnels du chorégraphe (plantes, livres, table), le danseur construit en des gestes simples et des lenteurs contenues, un univers qui pourrait, s’il le voulait, devenir le sien. Entre Rizzo et lui, tout est histoire de transfert…L’élégance irradie le plateau :  le danseur et sa danse, l’esthétique aux lignes pures. Et si parfois le sens nous échappe, on sent la volonté du danseur à être là dans sa fragilité d’homme seul, extrait d’un vie passée aux rythmes chaleureux. Des pas de danse traditionnelle ponctuent sa solitude, effleurent son désir, apparaissent parfois des caresses furtives destinées à l’on ne sait qui. Nostalgie ? Certainement pas mais mélancolie sans doute. Oeuvre de créateur, beau travail d’interprète….   


Univers bien différent pour The place to be part 2 du collectif Art mouv Zone libreLa danse semble simple tellement chaque instant relève d’une nécessité ! Les détails du geste, la précision du temps, le rapport à l’espace tout concourt à un embarquement immédiat et sans retenue du spectateur. Accompagnement sonore et images balisent le voyage. Dans l’esprit du mouvement Fluxus qui remet en question les fondements de l’art et tente de réaliser la dissolution de l'art dans le quotidien, les artistes au plateau s’arrogent de nouveaux droits, s’emparent des moyens d’expression dont ils disposent pour chahuter les codes culturels et explorer de nouveau territoires. Fluxus est avant tout pour eux un mouvement ludique qui tire partie des petits riens du quotidien. Fidèles à ce  principe, ils mettent en jeu le jeu, la critique et l’autocritique, le détournement d’objets. Canapé et mannequins de magasins sont les partenaires privilégiés de cette proposition inaccoutumée. Ils se transforment, sont déplacés et construisent l’espace, deviennent supports à projections….Drôle, douce, directe, décalée chaque séquence porte en elle un moment de vie unique. Légèreté et profondeurs s’arrangent dans la construction d’un monde libre et généreux. Cet aspect du propos est parfaitement lisible dans la présence des corps en scène, dans la finesse de l’utilisation des images, dans les sons fabriqués ou connus qui revivifient notre désir d’être là avec eux.
« La danse en partage » pourrait être le sous - titre de ce festival. Dépassant le cadre de Bastia, cette soirée Christian Rizzo – collectif Art mouv Zone libre a été donnée à l’espace Diamant à Ajaccio, de même que les soirées Danse en méditerranée Italie/ Corse/ Sardaigne, très réussies par l’ouverture qu’elles apportent sur des écritures du corps différentes. De fait le principe des soirées partagées permet au public de voir successivement deux ou trois propositions et ainsi de goûter à d’autres esthétiques. Il peut, par l’approche de problématiques nouvelles, élargir sa perception et son appréhension du corps en scène. Ces échanges constructifs (Ajaccio –Bastia et soirées partagées) ouvrent certainement de nouvelles perspectives au développement de la danse contemporaine en Corse. 

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