THÉÂTRE - UN PAYS DANS LE CIEL d’Aiat Fayez - La scène Thélème à Paris - 8 au 25 novembre -


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Un pays dans le ciel d’Aiat Fayez

Sans s’afficher homme de théâtre « engagé » Matthieu Roy s’engage par le choix des pièces qu’il met en scène, toutes d’auteurs jeunes et concernés pas la marche du monde. Que ce soit Days of nothing de Fabrice Melquiot sur le système scolaire et ses adolescents à la dérive, Europe connexion d’Alexandra Badéa sur l’ambition personnelle rencontrant les lobbies et aujourd’hui Un pays dans le ciel d’Aiat Fayez qui nous embarque dans les couloirs de l’OFPRA - Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides,  elles parlent toutes de notre actualité et passent au crible un sujet de société dont nous prenons généralement connaissance par les flashs d’information. 

La scène Thélème
Ce soir à la Scène Thélème, le restaurant-théâtre créé par Jean-Marie Gurné près de l’Arc de Triomphe à Paris, les spectateurs installés en bi - frontal, créent un couloir étroit (à peine 2m) dans lequel vont évoluer les 3 comédiens d’Un pays dans le ciel. Cette proximité fait tout de suite sens quand, d’entrée, Gustave Akakpo enfoui à nos pieds dans son duvet en émerge calme, la rage rentrée, pour répondre à l’appel d’un officier de protection. 

 


On est à l’OFPRA et l’on comprend dans l’instant que prendre son tour dans la file d’attente est la première des nombreuses épreuves à venir. Ces épreuves Aiat Fayez va nous les faire partager. Commence alors la traversée de l’univers kafkaïen que sait si bien produire l’administration française. 
Les officiers de protection et les demandeurs d’asiles sont les protagonistes de la pièce. L’auteur les connait bien car sa vie est passée par la course aux papiers. En immersion totale pendant dix mois dans les locaux de l’OFPRA – l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides à Fontenay-sous-Bois, le « bunker » comme on l’appelle, il a observé ces moments d’intense absurdité ou crainte et mensonge se liguent dans la peur et a glané les mots et les gestes de ces réfugiés qui devant nous prennent corps. 
Les 3 comédiens Hélène Chevallier, Gustave Akakpo et Sophie Richelieu, tous trois d’origines différentes passent d’un rôle à l’autre, du réfugié à l’officier de la république, changeant de langue et d‘attitudes en fonction de la personne qu’ils incarnent et de la position sociale ou hiérarchique de celle-ci.
Leurs vêtements - Hélène chaussée de stiletto, Sophie habillé à la mode de la porte de Saint Ouen, Gustave en superposition hasardeuse de chemise – veste – blouson – définissent des typologies reconnaissables et donnent une image de l’univers dans lequel ils évoluent. Dans ce travail de théâtre documentaire, textes et mise en scène ne manquent pas de nous percuter par la vérité qu’ils portent. On assiste éberlués aux entretiens ; on découvre les failles du système, la rudesse de la loi, la manière dont chacun se débrouille avec sa peine. Tout est dit, vrai ou faux. Certains réfugiés ont appris par cœur « le » texte qui doit les sauver, d’autres n’ont d’autre choix que de faire confiance au traducteur, d’autres encore racontent un parcours personnel fait de passeurs, d’argent perdu, de papiers inexistants dont on a seulement la photographie sur son IPhone, d’humiliations, de viol. La confession d’une vie brisée affleure dans leurs bouches.  

Sophie et Gustave
Hélène
L’effet loupe de la mise en scène, rend le texte saisissant. Avec Matthieu Roy, le corps est intelligent, il devance souvent les mots. Et les comédiens (Sophie particulièrement) savent trouver en eux le tenu - relâché du corps, l’ancrage au sol, la variation de tonus en fonction de la respiration qui donnent une réalité à la tension dramatique du moment, sans tomber dans un réalisme surfait. On lit dans les corps l’attente et la crainte, l’espoir et la désillusion et surtout l’inhumanité qui les frappe.

Le texte mis en scène par Matthieu Roy n’est qu’une parcelle des 300 pages de notes prises par Aiat Fayez, mais il creuse avec nous un sujet – l’étranger, l’accueil de l’étranger - et nous pose la question de notre propre étrangeté… Il porte en lui une sobriété qui le rend élégant, délicat et parfois tendre : aucune bien-pensance mais des faits simples et rapportés au plus près de l’humain. La drôlerie s’invite parfois dans la tragédie et ce regard distancié de l’auteur et du metteur en scène sur « l’absurde » vécu au quotidien ne rend que plus pertinent leur travail sur la situation des milliers de demandeurs d’asile en attente de … 
Un simple examen de dossier peut prendre de 15 jours à 16 mois   



Un pays dans le ciel d’Aiat Fayez
Metteur en scène : Matthieu Roy
Assistante à la mise en scène : Marion Conejero
Collaboration artistique : Johanna Silberstein
Costumes et accessoires : Noémie Edel
Interprètes : Hélène Chevallier, Gustave Akakpo et Sophie Richelieu
Production
Cie du Veilleur


À VOIR : En décembre à Sevran chez l’habitant dans le cadre de
la saison du théâtre de la Poudrerie.

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